La distance, encore elle, nous pousse à la créativité. Lasse de ces ternes liens humains, artefacts insatisfaisants, il nous faut renouveler encore et plus que jamais notre manière d'évaluer et d'enseigner. Me voilà ainsi lancée en pleine expérimentation : si j'invitais mes étudiants dans le cadre d'un cours de libertés fondamentales à réaliser une émission mettant en présence les différentes thèses qui se confrontent autour du controversé article 24 de la loi sécurité globale. Pari lancé, pari réussi !
Photographie prise lors du dernier cours, miraculeusement en présentiel. L'expérience elle a été menée exclusivement en distantiel
Public visé par l'expérience
Effectif : 2 groupes de TD de 50 étudiants au total dont j'assure les enseignements en cours magistraux et en travaux dirigés
Enseignement : Cours et TD de libertés fondamentales en Licence 3
Détermination des groupes : aléatoire par le biais de ZOOM
Dépôts des travaux audio : drive personnel
Temps donné pour effectuer le travail : du lundi pour le dimanche (moins d'une semaine)
Déroulement de l'expérience
Peu importe la qualité sonore, peu importe la forme, lancez-vous, prenez des positions, défendez des idées y compris celles que vous ne partagez pas, simplement pour mesurer la force et les faiblesses des débats. Pour lire, pour écouter, pour apprendre, pour débattre, pour retenir car l'expérience vous aura marqués. Le mot d'ordre est celui de la liberté. Mais la liberté peut être vécue comme une terrible contrainte.
Juste une semaine pour préparer ce travail pour la prochaine séance de travaux dirigés. Les groupes sont le fruit du hasard, arbitrairement déterminés par la plateforme zoom lors de la division de la promotion en sous-classes. Je lance les règles, je donne des bases, propose aux étudiants l'émission que j'ai eu moi-même l'opportunité d'enregistrer pour France Culture, me permettant ainsi, à mon grand bonheur, de décloisonner l'enseignement et la recherche.
Je leur tends la perche, au sens propre, mais je ne pensais pas qu'ils et elles la saisiraient si bien. Huit travaux réalisés par des groupes de 5 à 6 personnes environ. Sous forme de podcast ou avec des vidéos issues de session Zoom. La technique est simple, les formes choisies aussi mais sans être des professionnels du son ou de l'image certains groupes prendront le soin d'ajouter un fond sonore, des images d'ouverture...
Je me laisse prendre à mon propre jeu sérieux. Dimanche soir, date limite de dépôt avant le TD du lendemain, j'écoute les devoirs pour vérifier que tout fonctionne. Minuit passé, j'écoute encore, avec le sourire aux lèvres. Ils et elles ont vraiment travaillé. Confinés, dans leur chambre d'étudiants, à distance, souvent sans se connaître très bien, le hasard ayant choisi pour eux et elles leurs partenaires de voyage intellectuel, ils et elles incarnent des positions et des personnages : ministre, association, journalistes, juristes... Les fondements textuels au soutien des positions sont présents tels la loi de 1881, qui, une semaine auparavant leur était inconnue ainsi que la jurisprudence. Le travail est au rendez-vous, tous les travaux déposés à l'heure et à l'endroit demandé.
Il est minuit, un dimanche soir et c'est bien la première fois que j'ai encore le sourire après plusieurs heures de corrections...
Alors si vous voulez connaître vous aussi ce plaisir, faites confiance à vos étudiants et étudiantes, acceptez de sortir des sentiers battus, soyez assurés qu'ils travailleront malgré tout, peut être même mieux, proposez leur de décloisonner, de se mettre en danger, de mutualiser, de s'investir, de créer... de laisser plus que jamais le droit devenir vivant à leurs yeux.
+ Ce qui a été apprécié
Les avis sur ce point convergent : se retrouver ! Travailler à plusieurs même à distance, se motiver mutuellement sur un projet, travailler autrement et ainsi mieux retenir. Un autre point positif relevé et par moi constaté : les étudiants s'écoutent mieux avec ce format qu'avec un simple exposé en cours, la note étant collective et non individuelle (tous les membres du groupe doivent intervenir). L'ensemble doit donc être cohérent et contenir les informations essentielles, peu importe la position incarnée.
-Ce qui a pu être critiqué
L'exercice est chronophage et impose aux étudiants de trouver un horaire commun dans la semaine pour travailler sur le fond et l'enregistrement. Des parades sont possibles et ont été utilisées par certains groupes : utiliser des drive pour avancer chacun à son rythme et enregistrer les différentes interventions de manière asynchrone. C'est d'ailleurs ce qui a été fait par le groupe que j'ai sélectionné pour figurer sur le blog et que je remercie pour leur aimable autorisation de diffusion !
Illustration de l'expérience avec le travail de Clémence, Grégoire, Maïween-Shanaelle, Laura et Pauline.
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