Il est temps de numériser nos enseignements, les savoirs s'affolent, les compétences se classent. Il faut maîtriser les outils, la technique, innover, se dépasser pour enseigner. Soit, mais peut-être pouvons nous aussi mobiliser ce qui fait la force de la présence dans les amphithéâtres et les salles de cours, le lien humain. Ce lien qui nous a tant manqué pendant le Covid et qui continue de donner du sens à nos rencontres. Aussi, c'est avec un grand plaisir que je vous propose cet exercice absolument révolutionnaire (attention aux effets techniques) que j'adore mobiliser en amphithéâtre pour créer une dynamique collective, casser le rythme et surtout mesurer la compréhension des notions. Je vous présente le "assis-debout".
"Mais tu n'avais pas peur de faire un flop ?"
C'est cette question qui m'a donné envie de décrire cette activité que j'utilise une ou deux fois en moyenne sur un semestre de cours. Je l'utilise généralement quand je suis face à de grands effectifs et que les interactions plus individualisées sont limitées.
Cette question merveilleuse relative à la peur (merci Sandrine Fayolle), m'a fait réaliser une chose importante. Non, je n'ai plus peur et c'est un point important pour penser l'enseignement du droit autrement. Je n'ai pas peur d'être jugé par la communauté étudiante, plus peur d'être critiquée par mes pairs car j'ai appris à faire confiance aux ressentis de l'instant et au retours d'expériences des mes étudiants et étudiantes. J'ai appris à expliquer le sens de ma démarche et des outils que je propose pour mettre les apprenants et apprenantes en confiance. J'accepte enfin, en toute humilité, qu'enseigner c'est parfois se tromper pour mieux se réinventer.
Les qualités précieuses du test de connaissance "assis-debout"
L'exercice que j'ai intitulé "assis-debout" est marqué par des qualités précieuses : il est très simple à mettre en oeuvre et ne nécessite absolument aucun investissement financier.
Il peut être pratiqué avec un effectif de première année de 1000 personnes dans un amphithéâtre ou dans n'importe quel lieu. Le niveau des apprenants et apprenantes n'a également à mon sens aucune importance.
Cet exercice peut être très court ou un peu plus long. Cette flexibilité est intéressante lorsqu'on ne veut pas nécessairement utiliser une activité qui viendrait réduire trop drastiquement le temps de déploiement des informations lors de la séance.
Préparer ses questions
Pour l'enseignant ou l'enseignante, la seule chose à préparer avec attention est la liste de ses questions. Ce travail peut être fait en parallèle d'une préparation de cours et permet ainsi de mesurer les points clefs de son enseignement, à mesure qu'on le pense ou l'écrit.
En préparant les questions pour son auditoire on s'interroge ainsi soi-même sur ce que l'on veut faire passer d'essentiel lors d'une séance ou d'une thématique.
Le moment pour mettre le test en oeuvre
La série de questions peut être posée en introduction d'un cours et visera alors à vérifier le niveau préalable de l'assemblée ou à assurer un rappel du cours précédent. Les questions peuvent également être posées à n'importe quel moment du cours, au milieu ou à la fin, pour s'assurer de la bonne compréhension d'une partie du cours plus délicate par exemple.
La mise en oeuvre pendant le cours d'amphithéâtre
Dans l'idéal, il est intéressant de formuler vos questions afin qu'elles puissent appeler un "vrai ou faux" ou un "oui ou non". Une fois la liste de questions dans la main, il suffit d'annoncer à l'assemblée que vous allez effectuer ensemble un petit test de connaissances. Si la phrase est vraie, les personnes doivent se lever. Si elle est fausse, alors la position assise sera préférée ou l'inverse.... Une consigne supplémentaire peut être de demander aux personnes présentes de fermer les yeux pour ne pas se laisser influencer (et je vous assure que si le climat est bienveillant dans vos cours, les personnes jouent le jeu !).
On peut également demander de prendre une feuille de papier d'une couleur qu'on lèvera pour indiquer le vrai et une autre couleur pour le faux. Cette option peut être d'ailleurs préférée si vous avez des personnes dans votre auditoire qui sont en situation de handicap physique et que vous ne voulez pas les discriminer.
Exemples de questions :
"La rupture des pourparlers n'est jamais susceptible de sanction".
"En France, la loi est supérieure à toutes les autres normes ".
"L'article 61-5 du code civil impose aujourd'hui d'avoir subi une intervention chirurgicale pour faire une demande de changement de sexe à l'état civil".
Bien sûr, chaque mouvement corporel s'accompagnera par la suite d'une brève explication de l'enseignant ou de l'enseignante.
Mais me direz-vous, le calme revient-il, la concentration avec lui ? Et bien oui, car il y a l'enjeu de la question suivante, celle qu'on attend pour se lever ou rester assis ! On se prend au jeu.
C'est tout ? Mais c'est beaucoup !
Et voilà, c'est tout. Quelle révolution n'est-ce pas ? Alors, oui on pourrait aussi simplement lever la main. Pourquoi s'assoir et se lever ?
Impliquer le corps pour réveiller l'esprit
Le premier point est que la position assise est difficile à supporter. Selon les plannings, un étudiant ou une étudiante peut passer des heures dans cette position avec finalement très peu de temps de pauses qui lui permettent de marcher, de circuler. Impliquer le corps permet de réveiller l'esprit et l'envie.
2. Voir le doute des apprenants et apprenantes
En tant qu'enseignante, j'aime cette modalité pour tester les connaissances car elle me permet de voir le doute très rapidement. Quelque soit le nombre de personnes, le mouvement collectif est révélateur. Là, où le message est bien passé et le mécanisme ou la notion appréhendée, on verra l'ensemble des personnes se lever comme un seul homme ou une seule femme. Au contraire, quand le point est moins clair dans les esprits, les hésitations du corps sont révélatrices. Et ce doute là, je ne le vois pas aussi facilement lorsque je fais réaliser un test avec des outils numériques. Il faut analyser la donnée a posteriori. Avec le assis-debout, je le vois le doute immédiatement et peut fournir instantanément de nouvelles explications.
3. Mettre en avant l'importance du choix des mots en droit
Cet exercice me permet aussi d'attirer l'attention sur l'importance des mots dans une phrase. Notamment, toujours, doit, peut... je glisse des subtilités dans les affirmations pour mettre en lumière ce qu'induit pour le juriste la précision. Et je l'explique, le rappelle, j'en radote presque mais cela finit par payer !
4. L'effacement des écrans
Enfin, pendant cet exercice, un petit miracle se produit : les téléphones et les ordinateurs s'effacent. Pas même besoin de les interdire expressément, ils sont oubliés. Pas très pratique de manipuler ces outils quand on doit se livrer à une telle gymnastique juridique !
Le assis-debout est un aveu clair. Simple, rapide à mettre en oeuvre et accessible pour les personnes enseignantes pour qui les outils numériques sont encore des obstacles davantage que des alliés.
Si vous le testez, écrivez moi pour me raconter votre expérience ou partagez là ci-dessous !
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